Dans des sociétés post-conflits comme la nôtre, une simple altercation entre deux individus, aboutit, souvent à l’antagonisme entre membres de différents groupes voire à la violence de masse. Quelles en sont les causes profondes, comment s’extirper de ce piège… Eléments de réponse avec Chartier Niyungeko, expert en transformation et résolution des conflit.
Pourquoi une violence perpétrée contre une seule personne aboutit souvent à l’antagonisme entre groupes ? A quoi est due cette polarisation ?
Avant d’abord de répondre à cette question de pourquoi une violence commise contre une seule personne amène plusieurs groupes de personnes à une situation de polarisation, nous avons toujours observé, de par l’expérience, que la violence a été toujours exploitée, utilisée comme une voix de solution à un problème quelconque entre les individus ou des groupes de personnes, ou entre les communautés voire entre les pays. C’est une voie mais malheureusement la mauvaise parce que la violence n’a jamais été une solution à un problème. Alors si nous essayons d’analyser la situation de ce qui se passe ici chez nous, nous avons un grand problème car chaque personne s’identifie souvent à son groupe social en premier lieu.
Justement pourquoi les gens s’identifient rapidement et se rangent au lieu de chercher à connaitre la cause de la violence ?
Même si nous sommes Burundais, on voit beaucoup d’entre nous, au-delà d’être Burundais, s’identifier souvent à leur groupe ethnique, leur groupe social, leur appartenance politique, religieuse. Nous nous identifions souvent à nos origines. Et c’est pour cela que lorsqu’il y a un problème qui surgit entre deux individus, la plupart des gens, au lieu de s’attaquer au problème, au lieu de prendre du temps pour analyser la situation pour comprendre la cause de cette violence, la tendance est d’identifier la personne. Du coup, nous cherchons à savoir qui est la personne, si elle est de notre côté, si elle fait partie de notre groupe ? Quelle est non ethnie. Est-il hutu, tutsi ou Twa. Il est du parti au pouvoir ou de l’opposition. Au lieu de regarder à la situation pour comprendre, on cherche l’identité des auteurs. Il faut éviter de confondre une situation qui arrive à l’origine ou à l’appartenance des parties prenantes.
Y’a-t-il d’autres facteurs ?

L’autre facteur qui explique pourquoi une violence contre une seule personne amène les gens à la polarisation c’est qu’ils sont souvent connectés à leur histoire, influencés par leur expérience ou leur contexte historique, par ce qu’ils ont connu dans le passé, les expériences malheureuses ou douloureuses qu’ils ont connues dans le passé, les échecs ou les problèmes qui ont affecté leur famille ou leur communauté, leur groupe social ou leur pays, etc. C’est pourquoi lorsque des individus entrent en conflit, la plupart ont du mal à se déconnecter ou à accepter que cette situation n’ait pas de lien avec ce qui leur est arrivé dans le passé. Et c’est vraiment un grand problème. La plupart des personnes sont prisonnières de leur passé. Et le passé est le passé, il ne faut pas que les gens continuent à être influencés par le passé. Il est vrai qu’on ne peut pas l’ignorer car il nous sert toujours de base, mais cette base devrait être celle d’apprendre justement des erreurs du passé afin de les corriger et ainsi améliorer notre présent.
L’autre facteur est que la plupart des gens sont ignorants. Ils ont besoin des capacités ou des compétences de pouvoir faire face à des situations problématiques sans toutefois lier ces situations avec d’autres facteurs imaginaires si je puisse m’exprimer ainsi même si c’est difficile de se déconnecter de l’histoire ou de l’expérience du passé. Il est toujours possible de considérer le passé comme le passé, l’histoire comme l’histoire et avancer en tant qu’une personne ou en tant que des gens responsables qui peuvent toujours faire face à des problèmes avec un esprit positiviste.
Comment éduquer la population pour la rendre plus critique à ce genre de situation ? Par quelle démarche ?
Pour faire face à ces situations de polarisation, il faut que tout le monde sache que les problèmes de relation entre individus ou entre groupes ont toujours existé et ils persistent. C’est pourquoi nous observons ici et là des tensions entre communautés que ce soit au Burundi ou dans la région, des tensions entre nations par exemple ce qui se passe aujourd’hui entre l’Ukraine et la Russie et cette guerre que nous observons. Une guerre qui a éclaté entre deux pays mais qui touche actuellement presque toutes les nations du monde. Et donc les problèmes liés aux interactions humaines ont toujours existé. L’important est donc de regarder, d’analyser la situation en face telle qu’elle se présente, d’éviter d’associer le problème aux groupes de gens ou à l’appartenance des personnes directement impliquées dans la situation et se poser la question de savoir pourquoi ce problème est arrivé. Pourquoi cette violence a été commise. Comme je l’ai dit la violence a été utilisée, elle est même devenue mode de vie. Malheureusement elle n’a jamais été une solution aux problèmes car elle engendre que des destructions, des problèmes qui affectent la vie de la masse. C’est pourquoi chaque fois qu’il y a des violences entre individus, il faut toujours se poser des questions pour savoir pourquoi ces problèmes sont arrivés. Cela va aider les gens impliqués à trouver la cause et quand Ils ont trouvé la cause ou les facteurs de ce problème, ça va aider à trouver des solutions. Restera la question de savoir comment faire face à cette situation d’une manière positive pour trouver des solutions gagnantes pour tous. C’est cette seule voie qui peut nous aider à éviter la polarisation d’une situation d’une personne à toute une communauté ou qui affecte toute une nation. Brièvement, il faut savoir que chaque fois qu’il y a un problème entre deux personnes, premièrement évitons de l’associer à tout le groupe, à son appartenance, ensuite cherchons des mécanismes et des stratégies de prévention à mettre en place afin d’éviter que cette situation se reproduise à l’avenir.
