Le monde culturel de Bujumbura vit au rythme du Vuga Festival depuis le début de la semaine, le slam. Un moment idéal pour revenir sur la place de la culture burundaise dans cet art que plusieurs au Burundi confondent souvent avec « l’Occident »…
Slamer en kirundi, voilà qui pourrait bien paraître iconoclaste aux yeux de plus d’un. Bien que né dans le monde anglo-saxon, cet art oratoire a débarqué au Burundi dans un bateau linguistique purement francophone. L’Institut Français du Burundi, Centre Culturel Français d’alors a été son quai d’accostage. Au sein de la même institution a été organisée la première scène slam du pays.
Elle reste encore un havre d’épanouissement pour des jeunes slameurs qui s’y retrouvent pour vivre, perfectionner et partager leur passion. Tous les ingrédients sont réunis pour aboutir au à l’idée reçue selon laquelle « le slam est un truc de « towners » imbus de leur « français de la ville » totalement déconnectés de leur culture de Burundais ».
Certains vont loin et crient haro aux slameurs Burundais, les qualifiant d’acculturés: « C’est quand même triste que les gens nous voient comme ça, regrette un slameur du collectif Jewe Slam qui reconnait cette réalité, nous avons presque tous connu le slam en visionnant sur YouTube des vidéos des slameurs francophones comme Grand Corps Malade, Rouda, Gaël Faye, Croquemort. Ce sont eux les modèles de la plupart d’entre nous, ce n’est pas qu’on se fiche vraiment de nos racines. »

Un slameur lors de la soirée Grands Lacs à l’IFB en marge du festival « Vuga », ce 4 juillet 2019
« Pour toucher le plus grand nombre »
L’image de la Belle au bois dormant qui peut à tout moment être réveillée par son prince charmant trouverait bien sa place dans le rapport existant entre la culture locale et le slam. Si le destin ne les a pas encore réunis et unis, il ne reste qu’un déclic. Le dramaturge Rivardo Niyonizigiye qui a récemment organisé des ateliers avec des slameurs autour de culture burundaise se déclare épaté par les fruits qu’ont donnés ces séances: « Avant, ils ne se voyaient pas un jour coucher des vers en kirundi sur leurs papiers. Avec la pratique, ils se sont découvert des talents fous en matière de rédaction dans la langue maternelle. Après tout, si c’est par apprentissage qu’ils font ce qu’ils font en français, ce n’est que par apprentissage qu’ils le feront en kirundi », affirme-t-il, pensif.
Le résultat ? C’est sur fond du son de l’inanga et de la symphonie des tambours que les slameurs ont brûlé la scène-slam de ce jeudi 4 juillet, au soir, à l’IFB. Comme quoi, contrairement à ce voudrait croire certains clichés, la culture burundaise a bel et bien droit de cité dans l’univers du slam.
Gad Brighton, un slameur que les amoureux de cet art oratoire ovationnent souvent pour son ode à la barbe en kirundi n’y va pas par quatre chemins et appelle même à une…révolution. Carrément ! « C’est aussi simple que cela, si nous voulons véhiculer un message susceptible d’opérer un changement dans la société, nous devons absolument privilégier le kirundi et la culture burundaise. »
« Une énorme plus-value qu’apporterait le slam dans la promotion de notre culture », argue Boshir Melcky, slameur-poète qui s’insurge contre la « minable part » réservée au kirundi dans le volume horaire dans les écoles du Burundi.
Le slam comme allié indéfectible de la culture burundaise ? Tubitege amaso !
