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Société

Punir et former pour éviter le pire

Résultant souvent des préjugés et d’intolérances, les crimes de haine, s’ils ne sont pas réprimés, peuvent déboucher sur le génocide, prévient Dr Laurent Nzosaba, ancien juge de la Cour de l’EAC et professeur à la faculté des sciences politiques et juridiques à l’Université du Burundi. Comment les comprendre et en lutter efficacement. Quelques éléments de réponse.

Que peut-on comprendre par crime de haine ?

Le crime de haine consiste dans le fait de déconsidérer une autre personne soit sur base de sa race, soit sur base de son ethnie. La victime en est alors la cible à cause de son appartenance, réelle ou supposée, à un certain groupe social, le plus souvent défini par la race, la religion, l’orientation sexuelle, le handicap, l’ethnie, la nationalité, l’âge, le sexe, l’identité de genre ou le parti politique. Les crimes de haine peuvent prendre de nombreuses formes. Les incidents peuvent impliquer des attaques physiques, des dégradations de biens, des intimidations, du harcèlement, des attaques verbales ou des insultes, ou des graffitis ou des lettres insultantes.

Y’a-t-il une loi contre les crimes de haine au Burundi ? Si oui que stipule-t-elle en la matière ?

Oui, ce crime de haine raciale ou ethnique est réprimé depuis longtemps au Burundi. L’article 266 du Code pénal prévoit cette infraction et le réprime toute haine ou aversion raciale ou ethnique est punie par la loi. Il stipule : « Quiconque a manifesté de l’aversion raciale ou ethnique ou aurait incité ou encouragé, ou commis un acte de nature à provoquer cette aversion ou cette haine, est puni d’une servitude pénale de six mois à deux ans et d’une amende de dix mille à cent mille francs burundais d’une de ces peines seulement. »

En cas d’impunité, que peuvent être les conséquences ?

Les conséquences sont nombreuses et graves. Si ces faits ne sont pas punis et qu’ils persistent, ils peuvent déboucher sur des crimes graves comme le génocide, les crimes contre l’humanité ou aux crimes de guerre.

Propos recueillis par Christina Bigirimana

Punir, former et assister

L’histoire de notre pays est jonchée des crimes haineux. Même si des efforts ont été faits à travers plusieurs dialogues et négociations, il s’observe encore aujourd’hui de brebis galeuses qui jouent la carte ethnique, stigmatisent les gens en voulant dresser les uns contre les autres. Les pouvoirs publics, la société civile, la presse avons une lourde tâche de lutter contre tous ceux qui profèrent des insultes raciales observées ces derniers temps en grande partie sur les réseaux sociaux. Sinon comme le dit si bien Dr Laurent Nzosaba, si ces crimes persistent, il y a risque de déboucher sur des crimes abominables. La solution est à notre portée. Il faut tout simplement appliquer la loi chaque fois qu’il s’observe de l’aversion ethnique ou raciale quel que soit son auteur. La justice doit donc faire son travail. Le second volet, à mon humble avis, passe nécessairement par la formation à travers une éducation d’abord en famille ensuite par les institutions traditionnelles comme l’école. En dernier lieu, penser à l’assistance des victimes pour éviter des pensées de vengeance.

Selon plusieurs spécialistes, les crimes haineux ont souvent des conséquences dévastatrices sur le plan psychologique. Ils ont un effet sur les personnes qui se traduisent par des dommages psychiques et affectifs ; altération de l’identité de la victime et de son estime de soi, les deux aggravés par le degré de violence manifesté dans les crimes de haine, souvent beaucoup plus élevé que dans les crimes communs.

Sur le groupe visé, l’effet peut être une terreur généralisée au sein du groupe auquel appartient la victime, ce qui peut inspirer un sentiment de vulnérabilité chez les autres membres de ce groupe qui pourraient en être les prochaines victimes. Sur les autres groupes vulnérables, les spécialistes notent un effet néfaste sur des groupes minoritaires ou sur des groupes qui s’identifient au groupe visé, surtout quand la haine manifestée s’appuie sur une idéologie ou une doctrine qui vise plusieurs groupes. Et enfin sur l’ensemble de la collectivité, le crime de haine a pour effet la stimulation des divisions dans la société, ce qui met à mal l’harmonie et l’égalité dans nos sociétés de plus en plus multiculturelle.

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